Description
Il n’existe jamais une absolue coïncidence entre les conceptions, les valeurs et les normes du monde de la justice et celles de la société. Ce sont les écarts, les distances ou les proximités entre les conceptions de l’une et l’autre que ce livre entreprend d’explorer dans le temps. Au haut Moyen Âge, des évêques ferment les yeux sur des infractions à la législation sur le mariage ; au XIVe siècle, l’application rigoureuse de la législation relative à l’endettement rompt le lien social ; dans l’Italie du Nord, des pratiques coutumières sont utilisées par les tribunaux du pape pour accuser d’hérésie de grands seigneurs ; dans les états bourguignons, les dispositions brutales de la justice ducale brisent des solidarités urbaines fortes ; aux XVe-XVIe siècles, la pratique de l’homicide pour adultère trouve dans la société un quasi consensus ; en 1720, une large partie de l’opinion publique réprouve la sévérité à l’encontre d’un bandit… Parallèlement apparaissent des proximités et des convergences, comme au XIIe siècle dans l’Italie des communes. Au XVIIIe siècle, des tribunaux de proximité renvoient l’image d’une communauté de valeurs entre juges et justiciables. Dans le jugement des blasphèmes, les juges se gardent d’appliquer à la lettre la législation pénale, du moins jusqu’à la fin du XVe siècle, tandis que la mutation provoquée par la Réforme protestante suggère que l’analyse en termes de tolérance est inappropriée pour en rendre compte. Ce que l’on découvre au fil des analyses, c’est une distance entre les valeurs partagées par la société et certaines pratiques judiciaires étroitement liées au pouvoir politique, le pouvoir souverain, soit en expansion, soit, au contraire, en difficulté. Ce livre éclaire donc aussi, à côté de la force de la justice négociée et de la proximité qu’elle maintient entre magistrats et justiciables, l’ambivalence de la justice en tant qu’attribut de la souveraineté.